Intro
"Celui qui rit de l’autre sans regarder son propre ridicule, celui-là ne mérite pas de vivre."
La lueur dansante des flammes des torches faisaient saillir un peu plus qu'à l'accoutumé les os du visage squelettique de Ziäd. Ses traits contenaient la marque incontestable de l'appartenance au peuple de la nuit, le Ghöl-Amgöth. Mâchoire saillante, arcades sourcilières proéminentes, taille élevée, longs doigts crochus et épaisse chevelure anthracite encadrant un visage cireux, creusé de cernes profondes. Les drogues puissantes qu'il ingérait chaque jour avaient voilé ses yeux injectés de sang, lui conférant une sorte de regard d'aveugle, irréel. Bien qu'enfoncé de manière nonchalante dans un large fauteuil d'ossements aux allures de trône morbide, Ziäd gardait cette allure unique que seuls les individus de longue lignée noble possèdent : une autorité naturelle, sorte d’indéfinissable prestance que n'importe quel visiteur ressentait instantanément à sa vue, sans pouvoir définir d'où elle provenait particulièrement. Un visiteur était justement là. Ziäd passa une langue rouge écarlate sur ses lèvres incolores, de haut en bas, avec une lenteur extrême, sans que ses yeux ne se détachassent du ridicule petit homme tremblant emmitouflé dans sa cape de pièces de fourrures et de velours qui se tenait devant lui. Il était là depuis un long moment ne sachant apparemment pas comment entamer le dialogue, se balançant imperceptiblement — pour qui savait observer — d'un pied sur l'autre, indécis. Il avait scruté le fauteuil composé d'un savant assemblage de crânes, qu’il avait identifié au premier coup d'œil comme humains, puis sur celui qui y trônait ; ne sachant peut-être pas si le protocole en vigueur impliquait qu'il prenne l'initiative de l'entretien ou la laisse au dirigeant assis en face de lui. Ziäd se délectait de la situation. Le trouble, l'angoisse que devait sûrement ressentir le visiteur debout devant lui en cet instant étaient des sensations du plus haut intérêt à observer. Il voulait essayer de comprendre à quoi elles pouvaient correspondre pour lui qui n'était pas en mesure — de par son origine, ses moeurs et sa culture surtout — ne serait-ce que de les expérimenter même en une infime fraction. Il était Golgien. Pas humain à l'instar de cette stupide créature affublée du titre pompeux d'ambassadeur, envoyée par une minable petite nation marchande du continent sud. La question vint à l'esprit de Ziäd avec naturel, alors que son intérêt pour l'anthropologie commençait à faiblir. Comment allait-il le tuer ?
Gandhaäl : une découverte.
Inventons-nous des mondes fantastiques ou bien les découvrons-nous ? C'est un peu la question que je me pose encore près de 40 ans après que les Terres de Gandhaäl sont apparues. Il y eut, en premier lieu, une nouvelle inachevée qui mettait en scène un empereur dräck nommé Morguen-Pharöm. Puis, très vite une géographie apparut, de laquelle naquit une carte. C'est là, je crois, que j'ai commencé à découvrir ce monde, un peu comme s'il se dévoilait à moi par petits touches. Les montagnes, les fleuves, les lacs, la mer intérieure, les nations, humaines et… kendaïs.
C'est grâce aux règles d'AD&D première édition que des joueurs sont alors venus explorer en profondeur ce monde inquiétant et fascinant à la fois, dans lequel j'ai vécu intensément durant de nombreuses années. Au point de m'y incarner en rêves…